Harageï, la voie supérieure du budo

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La mystique orientale s’est installée en occident. Dans tous les pays, des hommes et des femmes sont à la recherche de cette perception. Le karaté nous permet aussi de découvrir cet état. Le moment où le karatéka reconnaît  sa propre capacité, son harmonie avec l’univers qui l’entoure, l’art du Harageï.

En cet instant, le pratiquant perçoit clairement la finalité du moment qu’il est en train de vivre. Le travail qui mène à cette perception est à la base de la pratique du karaté.

Harageï se compose de Hara, le ventre et geï, la sensibilité, finesse de perception, subtilité. Le harageï est cet état de disponibilité totale, dans l’instant.

Comme dans le bouddhisme zen, le karaté ne dépend pas de la recherche intellectuelle. C’est le travail de l’âme, dans lequel il faut apprendre à se connaître soi-même pour connaître l’art pratiqué.

Il est vrai que le pratiquant asiatique a l’avantage de sa culture. Il naît dans l’environnement philosophique et social qui a créé les arts martiaux, et il comprend instinctivement leurs nuances. Ce n’est pas vraiment pareil pour nous, les occidentaux.

La philosophie de l’Asie se base sur l’intuition et la perception plutôt que sur le raisonnement et son grand dilemme est de vouloir communiquer ce qui ne peut l’être.
Avez-vous remarqué que l’occidental cherche à analyser les phénomènes. Il trouve la paix en expliquant intellectuellement le monde qui l’entoure. L’asiatique lui trouve cette paix en s’intégrant à l’univers, quand en regardant en lui-même il comprend le fonctionnement de ce qui l’entoure. Il reconnaît sa place face aux phénomènes en s’harmonisant avec eux sans chercher à les contrôler.

Si on se tourne vers le passé, les premiers pratiquants ont cherché à établir un équilibre entre corps et esprit. La réunion des deux dans une perception intense.
C’est très simple à comprendre, dans notre vie quotidienne, chacun de nous doit affronter l’angoisse, la douleur, la maladie parfois. A un certain niveau de travail sur soi, il est possible non seulement de contrôler ces circonstances, mais d’en faire un exercice qui nous permet d’approfondir notre recherche.

La pratique du karaté est une façon d’arriver à une solution personnelle en développant en même temps le mental, le physique et l’esprit.

Bien sûre, il est possible de pratiquer un art martial sans aborder le côté spirituel.
Mais quel pratiquant devient-on alors … Un pratiquant au niveau insipide, sans cesse à la recherche d’un grade supérieur, mais sans rien comprendre à la base de notre art.

Choisissons de mûrir plutôt …. iI faut de toute façon commencer par conditionner son corps et son cerveau, les discipliner, les coordonner. Le karaté est une forme d’éducation très complète, qui développe la confiance en soi, la force de caractère et la concentration.
La voie de la recherche intérieure est à la fois simple et difficile.
A l’entraînement, au commencement le corps est faible, et les exercices semblent rigoureux. L’esprit se préoccupe de mémoriser le côté technique, et ne perçoit que son propre inconfort.

Puis, avec l’entraînement régulier, le temps passe et le corps et l’esprit se renforcent.
Quand une harmonie s’installe entre le physique et le mental, on peut commencer à chercher la force intérieure. Une force accessible à tout le monde.

C’est ce qu’on appelle Harageï, l’intégration harmonieuse de l’homme, de l’univers, et de la grande force du ki.
Par exemple, imaginez-vous marcher dans un bois, Harageï, c’est voir clairement une feuille unique dans les branchages. Vous percevez avec précision toutes les autres feuilles, mais elles ne faussent pas votre concentration et votre esprit n’est retenu par aucune d’elles.
Un pratiquant, face à de nombreux adversaires, regardera directement l’un d’eux tout en percevant clairement les actions de tous les autres. Un exercice que l’on peut reproduire au dojo, face à plusieurs partenaires. On est loin de l’esprit du kumite sportif là ! Si esprit il y a dans ce cas de figure …

Autre exemple, l’eau d’un étang reflète le ciel, c’est l’état idéal. Si quelque chose vient troubler les eaux, le reflet se déforme, la perception est faussée. La lumière de la lune est reflétée  par tous les objets, elle n’en omet aucun et les reconnaît tous.
Par la pratique du karaté, on peut apprendre à présenter une surface calme et limpide à toutes les influences, sans être l’esclave de notre orgueil ou de nos émotions.

Les écoles de karaté sont nombreuses, mais elles sont toutes d’accord sur ce point : la voie passe par le contrôle de l’esprit harmonisé avec l’univers.

Nos maîtres ont trouvé la paix par les images de l’eau et de la lune, par la méditation, par la concentration, la respiration ou la pratique acharnée du karaté.

Chacun d’entre nous peut choisir le chemin qui a pour lui le plus de résonnance. La finalité est la même, et le premier pas est toujours la discipline de l’esprit et des émotions, l’indépendance face à tout ce qui peut nous perturber, et la recherche de l’harmonie.

Cette recherche commence au dojo, mais elle nous accompagne dans tous les actes de notre vie. Harageï !

Oss !

A propos Salvatore Baldacchino

Je pratique le karate Shotokan J.K.A. depuis 1976. J'ai atteint le grade de 5ème Dan JKA et j'enseigne depuis 1998 à l'Ecole Shotokan Karate-Do J.K.A. Bubishi en Belgique.
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Un commentaire pour Harageï, la voie supérieure du budo

  1. Marco(Ujio) dit :

    Bonjour Toutes et Tous.Avant toutes choses,laissez moi Vous souhaiter de merveilleuses fètes de fin d’année et Vous prodiguer mes meilleurs Voeux pour l’année qui se dessine à l’horizon.
    La culture Orientale se distingue,par de nombreux critères(souvent mal-compris d’ailleurs) de la nôtre.Nous avons tendance,dans nos pays,à placer nos émotions et à les recentrer dans la zone cardique;beaucoup d’expressions par ailleurs tendent à confirmer celà
    **A contre coeur,du coeur à l’ouvrage,briser le coeur,aller droit au coeur,avoir bon coeur,avoir du coeur au ventre(tiens donc),le coeur à l’envers,le coeur sur la main,un coeur d’or,coup de coeur,un grand coeur,….pour ne citer que qq unes-
    Le Japon(comme nombre de pays asiatiques)déplace cette zone d’émotions et états d’âmes vers celle de l’ombilic et n’est pas exempt non plus d’expressions ,pour ce faire:
    –Hara-kiri(ouverture du ventre)montrant son repentir,mais légèrement différente du seppuku(offrant le pardon au supplicié)
    –Haragei(Art du ventre,l’entraînement spécifique étant Hara-no-n
    eru)
    –Hara-no-nai-ito Homme sans ventre(sans …)
    –Hara-no-de-kine-hito Homme mature,accomplit,…
    Ce qui importe est le placement de nos états d’âmes,de nos ressentis,de nos émotions,…et non tellement l’endoit,selon moi.
    Un Sage d’orient,ne l’est pas plus qu’un autre d’occident,et nombre de philosophes de cultures et races diverses nous le prouvent,à ce jour.
    Mûrir par le Karatedo est le chemin choisit par nous.Nous n’avons pas les yeux bridés et nos descendants nous proviendraient sûrement plus de Rome ou Athènes que de Edo ou Kyoto.Mais nous n’en possédons pas moins une sagesse,une poésie interne,une vision des choses qui nous est propre.Cette vision est d’ordre universelle(la beauté d’une surface calme,d’un reflet sur l’eau,d’une feuille au vent,…)et individuelle(notre état d’émotion du moment,….malade,joyeux,triste,nostalgique,…).Les Arts vrais nous (re)donnent cette sensibilité à fleur de peau,et avouons,qu’en cette époque agitée,ce n’est pas du superflux.Merci et bonne journée.

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